Par Xavier Perrin (xperrin@xp-consulting.fr)
(Cf. article MES Supply Chain Magazine N°27, page 66)
Deux faits récents m'amènent à réagir à propos de notre façon de considérer le temps lors de nos décisions.
C'est tout d'abord la lecture d'un des derniers numéros de "Supply Chain Magazine" (magazine particulièrement intéressant que je recommande par ailleurs) qui présente un dossier consacré aux MES : "Le MES s'invite dans la supply chain".
On y explique entre autre que le MES est mieux adapté au temps réel que l'ERP : "il faut être capable de réagir le plus rapidement possible au moindre aléas de production dans l'atelier et en disposant de toutes les informations permettant de prendre la bonne décision". Plus loin on y lit : "gros avantage sur l'ERP (qui fonctionne en transactionnel) : son mode de fonctionnement évènementiel – l'apparition de tel évènement conditionne l'évènement suivant – est parfaitement adapté au temps réel".
C'est ensuite au cours de l'animation d'une session de préparation à la certification CPIM et d'un échange avec un des participants. Alors que nous évoquions le processus PDP, ce participant nous explique que dans son entreprise, le module PDP de son ERP n'a pas été mis en place, sur les conseils de l'intégrateur. D'après ce spécialiste, le module PDP est inutile : "C'est un héritage des premières générations de GPAO, installées sur des ordinateurs dont les capacités de calcul étaient très limitées. La lourdeur des calculs nécessitait de découpler les OF de produits finis des OF et OA de composants. Avec les puissances de calcul actuelles, cette décomposition est inutile, on peut directement gérer les commandes clients au niveau du calcul des besoins nets, et tout recalculer en temps réel"…
On ne peut que se réjouir de disposer aujourd'hui de puissances de calculs et d'algorithmes permettant de traiter les données en temps réel… on doit cependant se poser la question : pourquoi ?
Ceux qui réduisent le processus MRP2 à un processus de calcul ne l'ont pas compris. Le processus MRP2 est un processus de décision. Or, les décisions à propos des ressources, des niveaux de stocks, des priorités, les compromis entre productivité et taux de service, entre autres, doivent être pris au bon niveau de management. Ainsi, le PDP doit être validé avant de laisser le calcul des besoins nets redéfinir les priorités dans les ateliers et chez les fournisseurs. Faire ces validations en temps réel est une hérésie : la validation est l'issue d'un processus au cours duquel plusieurs scénarios sont pesés et où des compromis sont négociés avec les responsables concernés (stocks versus productivité par exemple). Les décisions du PIC et les bornes de planification du PDP cadrent ces décisions. Il est donc nécessaire de définir le rythme approprié pour ces prises de décisions et d'organiser les réunions PDP avec les décideurs concernés. Les calculs relèvent de la technique, les décisions relèvent des hommes… la pertinence des décisions est l'aspect le plus critique du PDP. Se passer des réunions PDP est une ânerie…
Je veux réagir sur une autre dimension du temps réel : celle que les MES sont sensés traiter, en permettant de réagir immédiatement aux aléas. Réagir aux aléas n'est pas une bonne stratégie. Si des efforts doivent être consentis (investissements, moyens humains), ce doit être pour éliminer les aléas (les mura du lean manufacturing), pas pour les gérer. Le pilier jidoka du Système de Production Toyota préconise même d'arrêter la production quand un aléa survient. La performance de Toyota est en grande partie liée à l'intégration de ce principe dans la culture de l'entreprise depuis des décennies. Puisque le lean manufacturing est à la mode, suivons la mode jusqu'au bout ! Il y a plus à attendre de démarches telles que six-sigma, Quick Response Quality Control et autres Améliorations à Intervalles Courts que des fonctionnalités temps réel des MES...
Les MES sont utiles. Ils permettent de créer un pont entre les machines, le suivi de production et l'ERP. Ils sont indispensables quand il faut intégrer certaines contraintes de traçabilité. Mais ne cherchons pas à les utiliser pour réagir aux aléas.
Xavier , Je suis tout a fait d'accord avec ton approche . Je completerai en disant que la precision et le flot incessant des informations (MES en temps reel) n'apportent pas (necessairement) le recul pour prendre une decision a bon escient . Ce n'est pas le chiffre exact a un temps donne qui est important , mais la facon dont il pourrat etre utilise dans son contexte (c'est a dire que des moyens hommes / competences / systemes) . Petite boutade ... : le GPS est un MES qui va nous donner la position exacte sur la terre a moins d'un metre , mais si il n'y a pas un interface avec une carte , et en plus une voie charmante qui nous dit de tourner , il est fort a parier qu'on va se retrouver au milieu de nul part . Personellement je n'ai pas de GPS et je fait un PDP avec mon epouse et la carte routiere pour savoir on nous allons .... Pour le reste nous utilisons le BSP (Bon Sens Paysan)(JPF-Copyright) Herve
Bonjour, je vous remercie tout d'abord : un article trés intéressant j'ai quelques interrogations j'espère que vous m'aider à avoir des réponses: Dans un contexte ou la gestion est une gestion par projet et le produit n'est pas standard: Est ce que l'MES est plus efficace que l'ERP ? Dans l'attente de votre réaction favorable, veuillez Mr agréer mes salutations la plus sincères. Cordialement Abdennadher mohanned
Bonjour Mohanned, Dans un contexte de gestion par projet et de produit non standard, vous avez d'abord besoin d'un ERP pour assurer les activités de planification et d'approvisionnement qui ne sont pas prises en compte par un MES. Pour répondre plus précisément quant à l'opportunité d'utiliser un MES, il faudrait que vous me donniez plus d'information à propos de la nature des produits fabriqués et des procédés mis en oeuvre. Bien cordialement Xavier Perrin